Connor, Dan, Axl, Jade, Nathan. Youtubeurs débutants, ils ont déjà quelques millers de followers. Chacun sa spécialité : humour trash, musique, drague, jeux vidéo... Leur ambition ? Remporter un concours pour devenir l'influenceur de demain. À la clé : salaire mirobolant, voyages, avantages en nature ...

Un seul d'entre eux sera l'élu. Ils ont un mois pour faire le buzz. Tous les coups sont permis.

1 million de vues, voilà un titre marquant ! Comment est née cette histoire ?

Une histoire peut surgir de n'importe où : une image, une mélodie, un voyage... Souvent, j'avoue que je ne me rappelle plus quel a été le déclencheur. Mais pour celle-ci, je m'en souviens très bien : c'était lorsque j'ai entendu l'histoire surréaliste de ce jeune YouTubeur qui a voulu prouver qu'une balle ne pouvait pas traverser une encyclopédie et s'est fait tirer dessus par sa petite copine. Je crois qu'il en est mort, d'ailleurs. Dramatique ! Je me souviens m'être fait la réflexion qu'aujourd'hui, on était vraiment prêt à tout pour être vus du plus grand nombre et se distinguer de la masse. D'ailleurs sur les réseaux sociaux, qui sont au coeur de nos vies modernes, si on ne produit pas de contenu, même anodin, de manière quotidienne, on n'existe pas.

Présentez-nous vos personnages. Quels sont ceux pour qui vous avez le plus d'affection ? d'antipathie ?

Je mentirai si je ne vous disais pas que mon chouchou est Connor. Il est le moteur de l'histoire, celui par qui tout arrive, qui a une lucidité à toute épreuve et peut aussi faire bouger les choses. Connor, c'est clairement moi tel que j'aurais voulu être à son âge : intelligent, sûr de lui, et puis bon sang, il joue de la guitare. Moi, j'ai bien essayé, je n'ai jamais réussi. Cela dit, je n'ai pas d'antipathie pour les autres : ces gamins, chacun à sa manière, sont complétement perdus, et on peut voir que ce n'est pas juste lié à une question de classe (Jade a beau être née riche, elle n'en est pas heureuse pour autant). Même la colère et la violence d'Axl ne sont en vérité qu'une façade pour masquer la souffrance qu'il vit au quotidien. Cela n'excuse pas son attitude, évidemment, mais ça permet de mieux comprendre ce qui motive ses actions.

Vos héros ont conscience d'être manipulés par l'agence de pub qui organise le concours. Pourtant ils foncent tête baissée tous les cinq. Ont-ils le choix ?

Soyons honnête: on a toujours le choix. Mais décider de tourner le dos à une proposition aussi alléchante, surtout lorsqu'on se trouve dans leur situation, n'est pas chose facile, il faut bien le reconnaître. L'offre que leur fait la société Jump ! représente pour eux une opportunité incroyable. Bien sûr, ils savent qu'ils vont devoir faire des concessions, rendre des comptes. Ils n'auront plus jamais la liberté d'action qu'ils avaient auparavant. D'une façon un peu biaisée, c'est pour eux le moyen d'entrer de plain-pied dans le monde des adultes, de venir en aide à leur famille, de s'émanciper... Mais comme vous le verrez, rien n'est jamais aussi simple.

Quel consommateur de réseaux sociaux êtes-vous ? Pouvons-nous échapper à l'envie d'être vus, likés, reconnus ?

En ce qui concerne les réseaux sociaux, même si je m'y intéresse, je me limite aujourd'hui au strict minimum. On s'y disperse vite, c'est très chronophage, et -mais ça n'engage que moi- j'ai l'impression que la moindre chose que l'on poste peut vite être détournée de son sens premier. Cela dit, je reconnais que l'on peut très bien consommer Facebook, Twitter, Instagram & co sans s'y noyer ; tout est affaire de recul et de proportion. Seulement, c'est plus difficile qu'il n'y paraît et on peut vite tomber dedans. C'est ce que s'évertue d'ailleurs à dire ce livre : éviter de se perdre en cédant aux mirages de l'artificiel. Car au-delà des pixels, il y a bel et bien des vies qui peuvent se briser ou être brisées si l'on y prend pas garde.

Sans nous spoiler, saviez-vous dès le départ lequel des cinq concurrents réussirait à avoir le plus de vues ?

Ha ha, on entre sur un terrain miné, là. Dans la mesure où lorsque j'écris un livre, il me faut avant tout en connaître le début et la fin, oui, je savais déjà plus ou moins comment tout ça allait se terminer. Ce qui ne veut pas dire qu'en cours de route, certaines choses qui étaient prévues au départ n'ont pas changé. Écrire un livre, c'est comme embarquer dans un wagonnet des montagnes russes : on sait où se situe la ligne d'arrivée, mais on n'anticipe pas toujours les loopings. Enfin bref, disons qu'au bout de la course, il y a bien un vainqueur. À vous de découvrir lequel, ou laquelle. Allez, sur ce, je retourne me faire une vidéo ou deux sur YouTube car oui, on trouve aussi sur internet plein de gens inventifs, drôles et qui ont un vrai talent. Vous voyez, finalement, je ne suis pas qu'un vieux râleur - like si tu aimes cette interview.

(Interview réalisée en 2019 pour Syros à l'occasion de la sortie du livre.)